Avertissement: Discussions de violence conjugale et divulgâcheurs pour le film It Ends with Us.
En tant que survivant·e de la violence conjugale, de nombreuses complexités influent le cheminement de sécurité et de guérison d’une personne. À partir de conséquences des plus concrètes de la violence, telles qu’un oeil au beurre noir ou la surveillance de près de la boîte de réception des messages, jusqu’aux composantes moins évidentes confrontées par les survivants·es à tous les jours, telles que les obstacles systémiques et les stéréotypes culturels – presque tous les aspects de la vie d’un·e survivant·e ou d’une personne sont touchés par les effets de la violence survécus. Tandis que certains·es survivants·es s’intègrent dans une communauté et développent une autonomisation en parlant de leurs expériences, d’autres trouvent que la guérison s’atteint par un processus nécessitant le respect de la vie privée. Encore d’autres, comme tant de survivants·es le savent très bien, doivent garder leurs expériences privées par principe de sécurité et de survie.
Ces réalités sont quelques raisons pour lesquelles un roman à succès, devenu le film controversé, tel It Ends with Us, signifie tant pour les survivants·es de la violence conjugale. Même si une histoire ne peut jamais véhiculer l’ampleur des expériences des survivants·es actuelles, les études démontrent (ANG) que les films ont une incidence significative sur les croyances, les opinions, et les attitudes de la société. Donc, plus qu’une revue de presse perplexe à évaluer sur TikTok, ce film représente une occasion pour les survivants·es de voir de quelle façon leurs amis·es, leur famille, leurs collègues, leur communauté en parlent si ce film était leur histoire à l’écran. En tant qu’organisation centrée sur le·la survivant·e, Transit Secours est motivé par les perspectives et le dévouement des survivants·es avec qui nous collaborons (personnel et bénévoles), et les survivants·es que nous appuyons (clients·es). Nous sommes conscients·es de l’incidence actuelle des conversations concernant le film, It Ends with Us, en plus du potentiel profond qu’elles détiennent pour le changement.
Au sujet de la “violence domestique”
Les mots que l’on utilise éclairent notre compréhension de la réalité, représentent une valeur, et suscitent certaines croyances. Par conséquent, les médias et le public peuvent faire référence à la “violence domestique” puisque celle-ci est familière; tandis que les professionnel·les au sein des services sociaux préfèrent les termes “violence conjugale”, “violence basée sur le genre”, ou “violence familiale”. Ces termes décrivent plus précisément les diverses formes et les différents milieux de la violence. “Domestique” sous-entend que la violence est une question privée ou à domicile, pouvant minimiser la sévérité et limiter les investissements publics dans le débat. Nous choisissons de nous servir du terme “violence entre partenaires intimes” (VPI) afin de fournir des précisions et de favoriser la compréhension de l’ampleur de la violence.
Un roman à succès fait face à des décisions d’adaptation
Le film, It Ends with Us, est basé sur le roman à succès de 2016 du même nom de Colleen Hoover. Il raconte l’histoire de Lily, dans les vingtaines et aspirant de devenir une fleuriste, qui déménage à Boston et tombe amoureuse d’un charmant neurochirurgien perturbé nommé Ryle. Alors que le début de l’histoire relate Lily incapable de rédiger quelque chose de positif concernant son père pour son éloge funèbre, la majorité du récit fluctue entre des retours en arrière de Lily rencontrant son premier amour, Atlas, et l’approfondissement de sa relation avec Ryle. À mesure que l’histoire avance, les liens entre Lily et Ryle s’épanouissent et les dures vérités de leur enfance se dévoilent. Lily prend connaissance de l’implication de Ryle dans la mort tragique de son frère lors de son enfance, par balle accidentelle, et le public apprend du témoignage de Lily et d’Atlas de VPI entre leurs parents respectifs.
Le film, It Ends With Us, est considéré comme une version très étroitement adaptée du roman. Comme l’explique l’article du magazine Cosmopolitan (ANG), l’histoire est la même, les personnages sont les mêmes, et la plupart des événements se déroulent dans le même ordre.
Malgré quelques dérapages lors de la tentative de création (ANG) de produits promotionnels suite à la publication initiale du roman, le livre a reconnu un énorme succès. L’auteure, Colleen Hoover, a été inspirée par la relation de ses parents et la décrit (ANG) comme étant le roman le plus difficile qu’elle ait jamais écrit. Les revues Kirkus (ANG) félicitent l’auteure pour avoir [Traduction] “interprété les relations avec autant de compassion et d’honnêteté, qui illustrent la puissance de l’anéantissement de la violence – et la force des survivants·es”.
Malgré l’exploration nuancée de la VPI du roman, certaines réflexions cinématographiques dans le film d’adaptation ont une incidence importante sur l’image des relations. Par exemple, le premier geste de violence de Ryle dans le roman est évidemment une réaction intentionnelle envers Lily pour ce qu’elle a fait. Non seulement est-ce clairement présenté comme de la violence, mais Lily avertit Ryle qu’elle le quitte si jamais il la blesse encore. Comparativement, la première fois que Lily subit de la violence de la part de Ryle dans le film, il n’est pas évident à Lily, ni au public, si cela fut intentionnel. Nous avons l’impression qu’il s’agit d’une réaction explosive de la douleur physique causée par Ryle, et lorsqu’il s’excuse, Lily le rassure que c’était un accident dans lequel les deux ont malheureusement subi des blessures. De même, le deuxième incident de violence dans le roman, lorsque Ryle pousse Lily en bas des escaliers, lors d’une colère, est lié à son traumatisme non résolu. Par contre, le film raconte le même événement comme un accident involontaire, avec Lily minimisant ses préoccupations et ne connaissant pas encore le traumatisme d’enfance de Ryle.
Également dans le roman et dans le film, il est évident que Lily associe le comportement de Ryle à la VPI qu’elle a témoigné en tant qu’enfant. Toutefois, la complexité et l’honnêteté des relations dans le roman se perdent dans les ajustements subtils du film d’adaptation. Bien que les deux versions de l’histoire présentent une jeune femme constatant qu’elle est dans une relation de violence semblable à celle qu’elle a vue entre ses parents, le film trace un portrait sur un différent processus décisionnel que le roman. Bien qu’aucune histoire puisse exprimer la complexité de tous les genres de relations de violence, la nuance est indispensable aux histoires représentant les survivants·es de la VPI.
Lorsque vous considérez le tout au manque d’avertissements, de mises en garde, ou de ressources figurant dans la présentation du film, plusieurs survivants·es et autres spécialistes de critiques du cinéma (ANG) disent que le film d’adaptation manque de complexité en lien avec la vie réelle et manifeste aucun égard pour les divers publics qui vont regarder le film. Étant donné que 44 % des femmes et 35 % des hommes au Canada indiquent avoir subi de la violence entre partenaires intimes, il est évident que le public comprendra que plusieurs personnes pourraient être profondément troublées par l’interprétation de l’histoire – des personnes ayant subi de la violence, des personnes qui aiment un·e survivant·e, des personnes qui ont été témoins de la violence, et même des personnes qui songent à savoir si leur famille pourrait rédiger quelque chose de positif à leur sujet lorsque viendra le temps de leur éloge funèbre.
Retrouver votre “Atlas”
Un choix narratif, dont certains·es survivants·es et spécialistes de critiques ont remarqué étant inquiétant, tourne autour du “premier amour” de Lily, Atlas. Bien que les trois personnages sont identifiés comme ayant vécu des traumatismes d’enfance, ayant une grande influence sur la prise de décisions et le comportement, le personnage de Atlas est également chargé à jouer le rôle du véritable amour de Lily, une comparaison constante à Ryle et un rappel de ce que Lily imagine être l’amour. Là où Ryle est irascible et suspicieux, Atlas est patient et curieux. Là où Ryle ignore les limites de Lily et exige son attention, Atlas se languit de Lily et lui offre un appui constant. Lorsque Lily a besoin d’aide immédiate pour s’échapper de la violence de Ryle, Lily s’arrête en premier chez Atlas, et lorsque Lily trouve le courage de quitter Ryle, Atlas représente son avenir.
Bien que la représentation d’un·e partenaire idéal·e ne cause, en soi, aucun problème, plusieurs survivants·es font part de leurs préoccupations concernant Atlas comme “partenaire idéal’. Non seulement est-ce que le personnage de Atlas reconnaît avoir conduit à proximité du lieu de travail et du foyer de Lily fréquemment avant de communiquer avec elle, suite à son déménagement au sein de la ville dans laquelle il demeure déjà, mais Atlas ignore ouvertement la demande d’intimité et d’indépendance de Lily de plusieurs façons. Lorsque Atlas soupçonne Ryle d’avoir été agressif envers Lily, il la suit jusqu’à la salle de bain et bloque la porte pour l’exiger qu’elle se confie à lui. Ensuite, après s’en être pris à Ryle de façon violente, Atlas se présente à la boutique de fleurs de Lily pour lui montrer son intérêt pour elle. Pour plusieurs survivants·es, leur sécurité est déterminée selon un système d’étroites limites et processus organisés soigneusement, mettant en place certaines garanties contre le comportement de leur agresseur·se.
Pour les téléspectateurs·trices qui ne décèlent aucun problème avec le comportement ou le rôle de Atlas en comparant le personnage de Ryle, il s’agit d’une dernière considération : quelles sont les conséquences de raconter une histoire dans laquelle l’agresseur·se est nettement moins dynamique que son homologue ? Plusieurs survivants·es éviteraient le personnage de Ryle, en un éclair, puisqu’il représente un signal d’alarme. S’il suffit que les téléspectateurs·trices déduisent que certains hommes sont mauvais et certains sont bons, indépendamment d’autres détails à leur sujet, la question de savoir pourquoi un·e survivant·e reste avec un·e agresseur·se semble légitime. Toutefois, plusieurs histoires de survivants·es commencent avec leur premier amour, leur véritable amour, leur admirateur·trice patient·e et curieux·se. Pour plusieurs survivants·es, leur “Atlas” est la personne qui devient leur agresseur.
Une tournée de presse problématique
À part les considérations du film au sujet de la représentation de violence de partenaires intimes, la tournée de presse problématique concernant le film a grandement dépassé les discussions du message derrière cette histoire. À partir de préoccupations au sujet du film servant à promouvoir une ligne de soin capillaire et une entreprise de cocktails, jusqu’aux points de discussion semblant être conçus pour une comédie romantique légère, la stratégie de marketing douteuse du film est au centre du débat public à peu près partout en ligne. Bien que des spectateurs·trices aient soulevé à quel point cette controverse soit avantageuse pour la popularité du film et, par conséquent, la probabilité que le public irait le voir, plusieurs spectateurs·trices n’ayant pas entendu parler du roman ou ayant des connaissances au sujet de l’histoire ont signalé des inquiétudes lorsque la réalisation du film, centrée sur la VPI, est dévoilée.
Les compilations des médias sociaux comparant le contenu de l’entrevue et les styles promotionnels des acteurs·trices du film ont exposé diverses possibilités pour plus de conversations nuancées concernant le sujet du film. Bien que certains messages lors de la tournée de presse aient souligné Lily comme étant “plus que seulement une victime de la violence conjugale”, d’autres messages définissent le film comme une occasion pour “une ‘Lily’ dans la vraie vie de se voir à l’écran et de faire un différent choix pour elle-même”. Bien que chaque membre de l’équipe semble bien intentionné·e en ce qui concerne leurs messages, la réalité pour chaque survivant·e dans la vraie vie est que le traumatisme et la violence sont incroyablement complexes. Non seulement est-ce que les survivants·es, montrant un courage pour quitter leurs agresseurs·ses, font face à un travail ardu afin de favoriser un processus de rétablissement et de guérison, mais le moment le plus dangereux pour plusieurs survivants·es est lorsque cette personne cherche à quitter leur agresseur·se. Lorsqu’un·e survivant·e quitte leur situation violente, cela menace le pouvoir et le contrôle qu’a l’agresseur·se, provoquant fréquemment le·la partenaire à se venger de façons nocives.
Malgré les répliques concernant les inquiétudes de la tournée de presse, en matière des ressources supplémentaires au sujet de la violence de partenaires intimes partagées en ligne par les acteurs·trices, plusieurs survivants·es et spécialistes de critiques croient que la tournée de presse représente une plus grande problématique en raison du traitement des histoires dans les médias. Les survivants·es sont les experts·es de leurs expériences personnelles, et bien qu’un film ou un roman soit ultimement un projet à but lucratif, certaines histoires s’accompagnent d’une responsabilité de traiter le sujet avec dignité, autonomisation, et compassion. Toute l’équipe de production du film, It Ends With Us, devrait profiter de l’occasion pour faire sortir les réalités brutales du sujet au cœur de l’histoire et discuter avec les communautés de façon significative afin d’engendrer des changements.
Il aurait été plus difficile de partir
Un élément, dont les survivants·es sont d’accord et bien réussi dans le film et le roman, It Ends With Us, est la quantité du niveaux de traumatisme d’enfance qui crée fréquemment un cycle perpétuel de violence dans le cadre des relations complexes. Lily et Atlas tissent un lien initial selon des expériences d’enfance vécues dans un foyer violent et, lorsque le père de Lily tabasse Atlas après les avoir trouvés dans le lit ensemble, leur lien demeure gravé due au niveau de stress et de drame élevés par la violence partagée. Plus tard dans l’histoire, Lily justifie la plupart des comportements de Ryle du point de vue de son traumatisme d’enfance, créant un lien de traumatisme (ANG) encore plus profond. Après avoir quitté Ryle, Lily demande enfin à sa mère la raison pour laquelle elle est restée avec son père, malgré les années de violence subie. La mère de Lily raconte,
[Traduction]
« Il aurait été plus difficile de partir. Et…je l’aimais ».
Malgré la profondeur et l’authenticité de plusieurs parties de l’histoire, l’origine du nom, It Ends With Us, vient d’une réplique d’une scène qui représente un scénario pratiquement inconnu – là où Lily informe calmement Ryle qu’elle veut un divorce, lorsqu’il serre sa nouveau-née contre lui. Ryle prend initialement un recul, mais lorsque Lily lui demande de songer à ce qu’il dirait à sa fille si elle était en relation avec un homme qui lui faisait subir de la violence, il accepte qu’ils devraient se séparer et quitte calmement sans encombre. Les survivants·es, le public général, et les spécialistes de critiques ont soulevé cette scène dénuée d’intérêt avec un léger manque de réalité. Malgré la compréhension que le personnage de Lily a les ressources financières pour être indépendant, l’idée que ce qui gardait vivant la relation était la simple décision de partir ou non, est une atténuation des réalités confrontées par les survivants·es de la violence entre partenaires intimes.
Comme d’innombrables reportages récents (ANG) illustrent, les femmes au Canada sont plus susceptibles de subir de la violence au sein de leur foyer, particulièrement lorsque l’agresseur·se apprend au sujet de l’intention de départ. Les statistiques démontrent, qu’en moyenne, une femme du Canada est tuée par son partenaire intime à tous les deux jours et que les agresseurs·ses sont plus susceptibles d’être incontrôlable (allant jusqu’au féminicide) lorsqu’un·e survivant·e annonce son intention de partir ou dévoile être enceinte. Encore plus frappant, ces mêmes risques sont jusqu’à six fois plus élevés pour les femmes de couleur et les femmes autochtones. Ces réalités sont quelques raisons pour lesquelles Transit Secours existe – afin que chaque survivant·e qui trouve le courage de partir puisse recevoir l’aide nécessaire pour traverser l’abus et la violence avec du pouvoir et de la dignité. Bien que des histoires comme It Ends With Us donne un aperçu d’une expérience que certains publics ne prendraient jamais connaissance, la façon dont la société, en général, traite ces histoires et discute de ces personnages révèle la profondeur de la divergence entre le problème de la violence entre partenaires intimes et les interventions possibles. Bien que nous sommes tous·tes d’accord que la violence doit se terminer avec nous, la vraie question est : la sera-t-elle ?
Cherchez-vous une façon de changer les choses pour les survivants·es de la violence entre partenaires intimes ? Impliquez-vous auprès de Transit Secours faisant du bénévolat ! Tous les rôles sont flexibles et appuient directement les survivants·es afin de repartir à neuf.